What Have we Learned From the Financial Crisis? Part 4: Bernard Vallageas

What follows are comments from a roundtable discussion held at the University of Ottawa on February 28, organized by Mario Seccareccia, and which featured participation from Marc Lavoie, Louis-Philippe Rochon, Mario Seccareccia, Slim Thabet and Bernard Vallageas.

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Bernard Vallageas
Vice-président de l’Association pour le Développement des Etudes Keynésiennes (France)
Ancien membre élu du Conseil National des Universités
Ancien membre du Conseil d’Administration de l’Association Française d’Economie Politique
Faculté Jean Monnet (Collège d’Etudes interdisciplinaires)
Université Paris-Sud, Sceaux, France

Mon intervention porte sur la façon dont est perçue et analysée la crise par l’opinion publique et les groupes de pensée de gauche. J’entends par là des organisations qui pour la France se situent à la gauche du Parti socialiste, car comme l’a fort bien montré Alain Parguez dans son intervention à Ottawa, le Parti socialiste en France se situe, au moins sur le plan de la politique économique, clairement à droite.

L’opinion publique en général et ces organisations de gauche sont parfaitement conscientes qu’il y a une crise et sont mécontentes. Les banques en particulier sont très mal aimées et sont fortement ressenties comme coupables de la crise. Mais malgré ce ressentiment l’analyse de la crise par ces organisations est orthodoxe et très sommaire. Pour expliquer cela je prendrai trois exemples : celui du déficit public, celui de la séparation des banques de dépôts et d’investissement et de la création monétaire et enfin celui de la capitalisation des banques.

1° Le déficit public. Le fait que le déficit public (c’est-à-dire l’emprunt public) doit être nul, voire que les excédents budgétaires devraient être positifs, est communément répandue. La seule différence entre la pensée de gauche et celle de droite est le moyen d’obtenir un déficit nul, pour la droite il suffirait de diminuer les dépenses publiques et pour la gauche d’augmenter les impôts sur les riches. Mais quel que soit le procédé, la recherche du déficit nul reste une théorie orthodoxe, produit de la pensée néoclassique et ultra-libérale, selon lequel l’Etat ne devrait pas exister et donc ne devrait pas avoir de déficit. Pourtant la théorie du circuit, comme la comptabilité nationale, montrent que les administrations sont productrices comme les entreprises. La comptabilité nationale qualifie la production des administrations de non marchande et mesure la consommation collective de cette production. La différence entre une entreprise et une administration ne vient pas du mode de production mais de la façon dont cette production est acquise par les ménages : la production marchande est vendue et donc payée par ses consommateurs, tandis que la production non marchande est payée par l’impôt, donc par des ménages qui ne sont pas forcément les consommateurs. Les administrations, étant productrices comme les entreprises, se trouvent comme elles en début de circuit, et comme elles doivent emprunter aux banques pour alimenter le circuit en monnaie. En conséquence la dépense publique est un préalable nécessaire à la perception des impôts. Cette analyse est encore renforcée, si on considère, comme le fait L. Randall Wray dans son ouvrage Understanding Modern Money, que les dépenses et les recettes de l’Etat se font obligatoirement en monnaie créée par la banque centrale : il faut alors que l’Etat dépense préalablement cette monnaie pour pouvoir la récupérer par l’impôt ou l’emprunt auprès des ménages. Force est donc de constater que dans le domaine du déficit budgétaire, la crise n’a pas rendu la théorie du circuit monétaire plus populaire.

2° La création monétaire et la séparation des banques de dépôts et des banques d’affaires. La séparation des banques est bien demandée par les organismes de gauche. Mais les raisons invoquées ne sont pas les bonnes. Dans un circuit les banques créatrices de monnaie, c’est-à-dire les banques de dépôts, et les simples intermédiaires financiers, dont les banques d’affaires, ne sont pas à la même place. Les banques de dépôt apparaissent en tête de circuit pour créer la monnaie nécessaire, tandis que les intermédiaires financiers facilitent les prêts entre les ménages et les entreprises, prêts, qui, avec la consommation des ménages, permettent le reflux de cette même monnaie. Banques et intermédiaires financiers ont des fonctions tout à fait différentes. Les banques créent un objet social, la monnaie, équivalent général, et forment un système autour de la banque centrale, à laquelle elles ont un accès spécifique. Ceci justifie un contrôle renforcé, pour s’assurer notamment que l’argent créé va bien à la production et non pas vers d’autres emplois comme la spéculation. Par contre la monnaie, une fois créée, doit pouvoir circuler librement comme les marchandises, et les intermédiaires financiers ne sont là que pour faciliter cette circulation. Les intermédiaires financiers doivent donc être plus libres que les banques, néanmoins l’épargne publique doit être protégée, ce qui justifie que leur soit appliqué un contrôle de type prudentiel.

Or les organismes de gauche s’appuient sur d’autres raisons qui relèvent de la théorie orthodoxe pour demander la séparation des banques et des intermédiaires : ils invoquent le fait que les banques spéculent avec l’argent des déposants. Cet argument n’est vrai que pour les intermédiaires financiers, qui peuvent, à partir de dépôts d’argent déjà créé, spéculer, c’est-à-dire faire des prêts spéculatifs, mais il est faux pour les banques qui par construction créent de l’argent nouveau lorsqu’elles prêtent y compris lorsque ces prêts sont spéculatifs. Les banques ne spéculent donc pas avec « l ‘argent des autres », mais avec de l’argent spécialement créé à cet effet. Si donc il faut interdire aux banques de spéculer, ce n’est pas pour protéger les dépôts, qui doivent être protégés par d’autres moyens, c’est pour réserver la création monétaire à la production. Un deuxième argument est faussement invoqué pour demander la séparation des banques et des intermédiaires financiers : les établissements actuels seraient trop importants pour faire faillite (too big to fail). Selon cet argument il serait bon que les banques puissent faire faillite, ce qui permettrait d’éliminer les établissements mal gérés et éviterait les spéculations risquées. Or les banques forment un système et on ne peut concevoir qu’une banque fasse faillite sans que ses dépôts soient transférés dans une autre banque. En effet, sans ces transferts il y aurait des faillites en chaîne des déposants. Mais ces transferts ne peuvent qu’entraîner une concentration des banques. On ne peut donc par ce moyen empêcher le too big to fail.

3° La capitalisation des banques. Ainsi qu’on vient de le voir, le contrôle des banques envisagé par les organismes de gauche est un contrôle de type prudentiel, type de contrôle qui ne peut convenir que pour les intermédiaires financiers. Parmi ces contrôles figure la nécessité de recapitaliser les banques ainsi que de surveiller d’autres ratios, contrôles institués par les accords de Bâle III. Je résume rapidement ce que j’ai écrit à ce sujet dans le livre à l’honneur d’Alain Parguez que nous sommes en train de lancer aujourd’hui. La notion de capital n’est pas claire. Pour les accords de Bâle il s’agit du compte capital au sens comptable, donc la mesure de l’apport des actionnaires figurant au passif du bilan, tandis que pour la plupart des théories économiques, il s’agit des immobilisations figurant à l’actif du bilan. Les immobilisations matérielles sont fort réduites pour les banques. Par contre les banques pourraient avoir besoin de réserves de monnaie émise par la banque centrale, mais ce n’est pas ce qui est évoqué par les accords de Bâle.

Quoi qu’il en soit ces accords sont inapplicables pour les banques de dépôt. En effet les ratios imposés par Bâle conduisent à avoir des éléments de passif à maturité plus longue que les éléments d’actif. Or d’une part ceci conduit forcément à une situation inverse pour les autres agents, ce qui constitue pour ces agents une « mauvaise » situation financière, d’autre part cela est tout à fait contraire à la fonction des banques telle qu’elle apparaît dans les circuits. Par construction les banques créent de la monnaie, liquidité absolue, donc les passifs bancaires ont une maturité nulle, tandis que les prêts des banques (à leur actif) ont forcément une maturité plus longue, situation absolument inverse de celle demandée par les accords de Bâle.
Ceci n’empêche pas les organismes de gauche de ne cesser de demander la recapitalisation des banques.

En conclusion j’observe que l’impact de la théorie du circuit monétaire est absolument nul sur la pensée commune dite de gauche, qui continue à s’appuyer plus ou moins consciemment sur les théories orthodoxes.

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